*Dominique Mannella
La journée de lundi sur la gouvernance d’entreprise a débuté avec l’allocution du Sous-Ministre adjoint, Richard Boivin, qui a défini la criminalité économique comme étant un « cancer dont les cellules se multiplient ». D’emblée, il a fait un retour historique sur de grands scandales financiers de M. Ponzi, d’Enron, de M. Madoff, de Norbourg et Mount Real et des banques d’investissements. Selon lui, ce ne sont pas uniquement les paradis fiscaux qui sont néfastes pour l’économie québécoise et canadienne, mais aussi le travail au noir, les produits financiers qui n’existent pas et les différents stratagèmes frauduleux. M. Boivin a mentionné que le concept d’éthique était de plus en plus internationale eu égard aux histoires récentes d’escroqueries, de fraude et de corruption. Par ailleurs, M. Boivin a souligné que l’éthique avait un rôle fondamental à jouer entre les différents intervenants en matières financières. Il a fait allusion aux équipes intégrées de la GRC, l’AMF et l’UPAC (Sûreté du Québec) en matière de lutte contre la fraude financière et la corruption. Ensuite, M. Boivin a mentionné divers projets de loi visant à réduire la fraude financière et la corruption. Par la suite, la présentation M. Dominic Pelletier-Rivest a brossé une vue d’ensemble de l’étendue et des conséquences de la corruption et analyser un modèle de prévention pluridisciplinaire. Selon le professeur Pelletier-Rivest, la corruption compte pour 30-50% des cas de fraude (voir le « corruption perception index »). Le professeur Pelletier-Rivest a mis l’accent sur les indicateurs de fraude et, plus particulièrement, les motivations des individus, le manque d’éthique de ceux-ci et la mise en place de programmes de gestion du risque et de conformité. Le professeur Pelletier-Rivest a poursuivi en disant que les systèmes d’alerte et les hotlines existant dans les sociétés publiques étaient un moyen efficace de détecter les fraudes à l’interne. Or, le défi pour le conseil d’administration et les dirigeants est à l’heure actuelle d’intégrer l’éthique en entreprise à tous les niveaux. En ce domaine, ce dernier suggère plusieurs pistes de solutions telles que l’amélioration de l’éthique à tous les échelons de l’entreprise, les programmes de formation anti-fraude et la mise en place d’un modèle organisationnel de prévention.
La matinée s’est poursuivie avec la présentation de la Doyenne et professeure Isabelle Augsburger-Bucheli de l’Institut contre la criminalité économique (ci-après « ICLE ») basée à Neufchâtel en Suisse. Elle a présenté brièvement la création de l’ICLE. Elle a par la suite abordé la criminalité économique en s’appuyant sur la définition du professeur Nicolas Queloz Elle a ensuite abordé le concept de fraude, la criminalité contre les entreprises fraude en milieu de travail canadien (CGA 2011), l’importance de la criminalité économique en Suisse, la victimisation des entreprises et la sensibilisation et prévention de la criminalité économique. Elle a insisté sur les coûts socio-économiques que comporte la criminalité économique et l’importance de celle-ci en Suisse. Par la suite, elle a présenté les différents types d’enquêtes internationales de victimisation conduites par les organismes publics afin de lutter efficacement contre la criminalité économique. Elle a terminé son exposé avec la présentation de son projet de recherche BCPEAT. La matinée s’est clôturée avec la présentation pratique de Me Tommy Tremblay du cabinet d’avocats canadien BLG. Ce dernier a soulevé la question de savoir si l’entreprise elle-même pouvait être victime de fraude. Il a fait un retour sur l’affaire Target de 2013 dans laquelle cette entreprise a été victime d’une fraude de carte de crédit pour un montant s’élevant à 40M$. Cette affaire a soulevé des questions quant au rôle du conseil d’administration concernant la protection des données confidentielles. Donc, en matière de détection et prévention de la fraude, le conseil d’administration joue un rôle essentiel quant à la gestion des risques, la surveillance, la mise en application des systèmes de contrôles internes, de l’audit/vérification et de la politique de compliance. Me Tremblay a souligné le rôle de l’avocat de conseiller des mesures préventives à l’interne afin de limiter les conséquences juridiques négatives. Comme le souligne Me Tremblay, tout est une question de timing pour conseiller efficacement son client. Finalement, la dénonciation joue un rôle essentiel tout comme les mesures préventives, la formation des employés, la culture d’entreprise et l’éthique.
L’après-midi s’est poursuivi avec un exposé sur l’acte de fraude de Jacques Casgrain, procureur, Direction des poursuites criminelles et pénales. M. Casgrain a fait le point sur l’approche législative et jurisprudentielle du concept de fraude au Canada. À ce titre, il a abordé les sujets suivants : son historique, l’élément matériel, le lien de causalité, l’élément moral, l’erreur de l’accusé, l’erreur de fait et de droit, et la peine. La dernière partie de la journée a porté sur la fraude et les conséquences pour les victimes. Lors de son exposé, la professeure Marie-France Lebouc a utilisé plusieurs exemples pour expliquer comment les fraudeurs parvenaient à leurs fins. Comment est-ce possible qu’un dirigeant puisse commettre un acte de fraude sans se salir les mains ? Comprendre les différents stratagèmes employés par les fraudeurs pourrait aider les entreprises à mieux détecter et prévenir la fraude. À cet égard, l’analyse économique du droit a servi de grille d’analyse pour les fraudeurs concernant les coûts d’opportunité et l’avantage marginal par rapport à la probabilité de se faire attraper. Enfin, la professeure Catherine Rossi a abordé la criminalité économique comme forme de victimisation personnelle. La perte financière qui découle d’une fraude laisse de graves séquelles psychologiques et physiques à la victime. Les crimes communs repérés dans le domaine de la victimologie sont : le télémarketing, la fraude privée, les cartes de crédit et l’exploitation financière des aînés. Mme Rossi a fait référence au profil type d’un fraudeur comme Vincent Lacroix. De plus, les aînés sont problématiques puisqu’ils sont plus susceptibles d’être victimes de fraudes. Deux facteurs expliquent ce phénomène : le sentiment de confiance et d’affection de même que le sentiment d’utilité « behavioral confirmation ». Pour les victimes de fraude, les répercussions se font ressentir au niveau de leur qualité de vie, de même que sur l’autonomie financière. En peu de mots, ils doivent revoir leurs priorités de vie…
*Dominique Mannella
Étudiant-chercheur (CÉDÉ)
Bénévole École d’été sur la criminalité économique